« Les compétences du coach qui favorisent le changement chez le client » : premiers résultats d’un travail de recherche mené par Boyatzis et al. (2023). « Competencies of coaches that predict client behavior change: A preliminary report ».
Ce qui fait vraiment la différence dans la posture du coach : une étude qui bouscule nos certitudes
Nous, coachs professionnels, passons des années à nous former, à intégrer des outils, des modèles, à perfectionner notre art. Mais une question mérite d’être posée sans détour : qu’est-ce qui, concrètement, aide le client à changer durablement ?
Une étude menée par Richard Boyatzis et al. (2023) apporte des réponses précieuses à cette question. Pour la première fois, des chercheurs ont observé de manière rigoureuse l’impact de certaines compétences comportementales du coach sur le changement réel et durable chez les clients. Autrement dit : quels comportements de coach déclenchent une transformation mesurable chez le client, au-delà des impressions et des effets de séance ?
Voici ce que cette recherche nous apprend… et comment cela peut enrichir notre pratique de coach.
🔍 L’étude en bref
240 dyades coach-client ont été observées sur deux années. Les chercheurs ont croisé des observations objectives du comportement du coach (via des évaluations 360) avec les évolutions réelles des clients sur des compétences émotionnelles et sociales clés.
Et les résultats sont clairs : certaines compétences comportementales du coach ont un impact significatif sur le changement du client. D’autres, pourtant valorisées dans de nombreux modèles, s’avèrent inefficaces, voire contre-productives.
✅ Les compétences du coach qui favorisent le changement chez le client
Parmi les compétences les plus efficaces :
- L’orientation vers le résultat (Achievement Orientation) : pas dans le sens de “vouloir performer”, mais dans le fait d’encourager le client à se dépasser et à se fixer des objectifs personnels clairs et ambitieux.
- L’adaptabilité : la capacité du coach à ajuster sa posture, à rester flexible face à ce qui émerge.
- La maîtrise émotionnelle (Emotional Self-Control) : être centré, calme, présent, sans se laisser embarquer émotionnellement.
- L’empathie : comprendre profondément ce que vit le client, sans jugement, et avec une réelle considération.
- La conscience organisationnelle : comprendre les dynamiques de pouvoir, les enjeux systémiques autour du client.
❌ Ce qui n’aide pas (voire freine)
L’étude révèle aussi ce que beaucoup de coachs — parfois inconsciemment — valorisent… et qui s’avère peu utile, voire nuisible :
- Une posture trop orientée solution, centrée sur les plans d’action et la résolution rapide de problèmes.
- La directivité, même bienveillante : proposer, suggérer, amener une idée “maligne” peut nuire à l’autonomie du client.
- L’usage mécanique d’outils ou de modèles, qui éloigne du contact authentique avec le client.
🧭 Et nous, dans tout ça ?
Ce que cette recherche met en lumière, c’est une véritable exigence de posture. Non pas plus d’outils ou de méthodes, mais plus de présence, de lenteur, d’écoute et de confiance dans le processus.
Elle nous invite à une forme de sobriété professionnelle : oser ne pas savoir, laisser de la place à l’inconnu, accompagner sans diriger.
🤔 Réflexions pour la supervision : interroger ses certitudes
Cette étude est une invitation à développer notre pratique réflexive via la supervision.
- Requestionner nos croyances sur ce qui “fonctionne” en coaching :
- Le changement n’émerge pas toujours là où on le cherche : L’impact mesurable vient souvent de moments “invisibles” de la séance — présence, écoute, exploration du sens.
- L’essentiel n’est pas la technique, mais la qualité de la relation. Ce n’est pas nouveau, mais ce travail de recherche le démontre rigoureusement.
- La supervision devient essentielle pour repérer les automatismes qui nous font dériver inconsciemment vers des réflexes d’expert ou de conseiller, là où une posture de coach serait plus transformatrice.
- Se poser quelques questions clés :
- Quand suis-je tenté d’aider trop vite ?
- Quand est-ce que je cherche (encore) à prouver ma valeur comme coach ?
- Quels réflexes, même minimes, de résolution ou de conseil apparaissent dans mes accompagnements ?
- Qu’est-ce que je pourrais désapprendre pour mieux accompagner ?
📌 À retenir pour vos prochaines séances
- Moins c’est plus : un silence plein vaut mieux qu’une solution rapide.
- Écouter avec l’intention d’aider le client à comprendre (et non de comprendre ou de répondre).
- Aider le client à rêver avant de l’aider à planifier.
- Observer en supervision vos moments d’impatience, vos questions trop orientées, vos “bonnes idées” qui coupent le processus du client.
🧩 En conclusion
Cette étude est un appel à l’humilité et à la justesse. Elle confirme que notre impact ne réside pas dans notre savoir, mais dans notre manière d’être avec le client.
Et si la supervision devenait l’espace privilégié pour affiner cette posture ? Pour désapprendre, observer nos automatismes, cultiver cette présence qui transforme ?
À nous, superviseurs et coachs, de nous saisir de ces éclairages pour faire évoluer la pratique… au service du changement réel chez nos clients.
Référence de l’étude complète :
Boyatzis, R., Liu, H., Smith, A., Zwygart, K., & Quinn, J. (2023). Competencies of coaches that predict client behavior change. The Journal of Applied Behavioral Science, 60(1), 19–49. https://doi.org/10.1177/00218863231204050

Sandrine Saliba est Coach Exécutif Sénior certifiée Master Coach Certified (MCC) par la Fédération Internationale de Coaching (ICF) et Senior Practitioner par l’EMCC. Elle est également formatrice au métier de Coach (RNCP et niv 2), Mentor et Superviseur de coach accrédité ESIA.
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