Plaisir du jeu ou pression d’enjeu : une application pratique de la théorie du renversement dans l’entreprise

L’univers professionnel est marqué par des transformations constantes, des incertitudes économiques, des réorganisations internes qui challengent les équipes et les mettent sous pression. Face à ces situations, les individus peuvent osciller entre deux états d’esprit opposés : l’engagement sous pression, où chaque décision semble lourde de conséquences, et une approche plus légère et exploratoire, où les défis sont perçus comme des opportunités d’apprentissage. 

La théorie du renversement (TR), développée par le psychologue Michael Apter dans les années 70, offre une perspective novatrice et utile pour traverser ces turbulences en entreprise. 

Cet article explore cette théorie en mettant en lumière une de ses dualités clés : le « plaisir du jeu » versus la « pression d’enjeu » et montre comment elle peut transformer les défis professionnels en opportunités.

Qu’est-ce que la théorie du renversement (TR) ?

Selon la théorie du renversement, les individus possèdent une capacité naturelle à basculer d’un état d’esprit à un autre en fonction des circonstances. Ces états d’esprit, ou « cadres motivationnels », sont regroupés en quatre paires diamétralement opposées, comme la mise en place d’un mode joueur versus un mode sérieux pour effectuer une tâche, sa capacité à être en conformité versus se mettre en position de rébellion, une recherche de maîtrise dans ses interactions ou au contraire de sympathie envers son interlocuteur, et enfin, une intention de faire les choses pour soi ou pour l’autre.

Ce renversement d’état, loin d’être une instabilité, constitue un atout précieux. Il permet de s’adapter rapidement aux situations et d’en tirer le meilleur parti, que ce soit sur le plan personnel ou professionnel. L’hypothèse d’Apter est que l’être humain oscille constamment entre ces paires opposées, parfois sans s’en rendre compte, et peut par conséquent renverser son état d’esprit en conscience pour mieux s’ajuster aux situations difficiles. Dans le contexte de l’entreprise, la TR aide à gérer les pressions, à renforcer la motivation et à cultiver la créativité en offrant des perspectives nouvelles sur les situations complexes.

Focus sur la dualité : plaisir du jeu versus pression d’enjeu

L’une des dualités centrales de la TR est celle qui oppose le « plaisir du jeu » à la « pression d’enjeu ». Elle illustre deux manières diamétralement opposées de percevoir et d’aborder une situation :

Le plaisir du jeu

cet état d’esprit se caractérise par une approche ludique et exploratoire. Les individus dans cet état se concentrent sur le moment présent, prennent du plaisir à relever les défis et considèrent les échecs comme des opportunités d’apprentissage. Ce mode favorise la créativité, l’innovation et l’esprit d’équipe. Ils pilotent alors les obstacles comme s’il s’agissait d’un jeu où tout était possible.

La pression d’enjeu

Cet état d’esprit, en revanche, met l’accent sur les conséquences et les résultats. Il est souvent associé à un sentiment de stress, car les individus ressentent une forte responsabilité face aux attentes. S’ils peuvent être très efficaces dans des situations à court terme, cet état peut également être épuisant s’il perdure.

L’intérêt de la TR réside dans la capacité à passer consciemment de l’un à l’autre. Cela permet non seulement de réduire la pression dans des situations tendues, mais aussi de réengager les équipes autour d’une vision plus positive et motivante.

Exemple concret : un DRH face aux turbulences d’une réorganisation

Pour illustrer l’application pratique de cette théorie, prenons l’exemple d’un DRH d’un grand groupe américain confronté à une période de turbulences majeures. Voici la situation :

  • L’entreprise est en cours de rachat et de nombreux sites à travers le monde vont probablement fermer.
  • Pour des raisons de confidentialité, le DRH ne peut pas partager d’informations précises avec son équipe, et il ne sait pas encore quels collaborateurs seront licenciés ou mutés.
  • Manager très humain, il est profondément affecté par l’impact de cette situation sur son équipe. Ses collaborateurs directs sont démotivés, l’ambiance est lourde et le niveau général d’énergie est au plus bas.
  • La situation s’éternise depuis de nombreux mois, mettant le manager et l’équipe sous grande pression de l’enjeu à venir.

Lors d’une séance de coaching, le DRH explore avec son coach exécutif l’application de la théorie du renversement et en particulier de la dualité « plaisir du jeu » versus « pression d’enjeu ». Les échanges permettent de comprendre comment utiliser cette capacité naturelle à basculer d’un état d’esprit à l’autre, permettraient dans ce cas de rendre la situation moins anxiogène et plus acceptable pour les équipes jusqu’à l’annonce des résultats. 

Transformer la pression en jeu

Le concept est simple et puissant : au lieu de se laisser submerger par la pression de l’enjeu, pourquoi ne pas aborder la situation comme un jeu collectif qui pourra susciter créativité et implication ? Voici comment cela a été mis en œuvre :

  1. Redéfinir les défis comme des opportunités : Plutôt que de se concentrer sur les conséquences négatives potentielles, l’équipe a été encouragée à voir cette réorganisation comme une chance de réinventer ses processus et de créer de nouvelles manières de collaborer.
  2. Fédérer autour d’un objectif ludique : Un objectif commun a été défini : maintenir la meilleure ambiance possible tout en livrant des projets clés. L’équipe a été invitée à concevoir des activités créatives pour rester engagée, comme des brainstormings ludiques et des moments de décompression.
  3. Instaurer une dynamique positive : chaque succès, même mineur, était célébré, renforçant ainsi un sentiment d’accomplissement et de plaisir collectif.

Les résultats

En adoptant cette approche, le DRH a constaté plusieurs changements positifs :

  • Une réduction notable du stress au sein de son équipe, ce qui a permis de rétablir une certaine harmonie.
  • Une meilleure collaboration : les collaborateurs, motivés par l’aspect ludique, ont proposé des idées novatrices pour gérer la transition.
  • Une énergie renouvelée : L’équipe a retrouvé un niveau d’énergie suffisant pour continuer à avancer sur les projets stratégiques.

La dualité « plaisir du jeu » versus « pression d’enjeu » illustre parfaitement la richesse de la théorie du renversement. En apprenant à passer d’un état d’esprit à l’autre en fonction des besoins, les managers et leurs équipes peuvent mieux gérer les moments de crise tout en stimulant leur créativité et leur résilience.

Dans un environnement professionnel où le changement est la seule constante, cette approche peut faire toute la différence entre une équipe qui subit les événements et une équipe qui les transcende. Pourquoi ne pas envisager de jouer, la prochaine fois que la pression monte ? Le résultat pourrait bien vous surprendre.

 

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Sandrine Saliba est Coach Exécutif Sénior certifiée Master Coach Certified (MCC) par la Fédération Internationale de Coaching (ICF) et Senior Practitioner par l’EMCC. Elle est également formatrice au métier de Coach (RNCP et niv 2), Mentor et Superviseur de coach accrédité ESIA.

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