Maintenir son bien-être professionnelLa supervision : un espace vital pour le bien-être psychique et professionnel du coach

« Le coaching ne se fait pas uniquement avec des outils, mais avec une personne. Et cette personne, c’est vous. Prenez-en soin. »
— Parole partagée en supervision (CSA)

Dans une profession où l’on est soi-même son principal instrument, le bien-être du coach ne peut être négligé. Le coaching puise dans la présence, l’écoute profonde, la posture éthique et l’engagement émotionnel. À force d’accompagner les autres, le coach risque de s’oublier lui-même. La supervision est alors ce temps suspendu, un espace pour se retrouver, réfléchir, se réparer, se réaligner.

Dans cet article, j’explore les situations concrètes où la supervision joue un rôle de soutien fondamental au bien-être du coach. Ces situations, nombreuses, peuvent impacter la qualité de la présence, l’énergie mentale et la posture professionnelle.


1. La gestion du stress dans la pratique du coaching

Ce qui se passe :

Le stress chez les coachs peut provenir de l’incertitude des résultats, de la pression des prescripteurs, du besoin de performance implicite, ou de l’accumulation de séances émotionnellement intenses.

Exemple :

Un coach reçoit en séance un dirigeant en burn-out. Malgré son professionnalisme, le coach rentre chaque soir épuisé. Il s’interroge : est-ce mon client… ou moi ? Suis-je trop empathique ? Trop en miroir ?

Apports de la supervision :

  • Identifier les sources de stress (modèle CINÉ de Sonia Lupien)
  • Distinguer ce qui relève de soi ou du client
  • Apprendre à se protéger émotionnellement tout en restant présent
  • Repenser son rythme de travail, son rapport au résultat

2. Les accompagnements émotionnellement éprouvants

Ce qui se passe :

Quand les coachs accompagnent des situations de deuil, de mal-être profond ou de trauma, même dans un cadre non-thérapeutique, cela réveille des échos internes. Le coach peut se sentir bouleversé, impuissant ou en sur-identification.

Exemple :

Une coach accompagne une femme victime de harcèlement professionnel. Après chaque séance, elle dort mal et repense aux récits partagés.

Apports de la supervision :

  • Identifier les zones de résonance ou de transfert
  • Mettre des mots sur ce qui a été touché en soi
  • Reprendre du recul
  • Préserver la qualité d’écoute sans surcharge émotionnelle

3. Les doutes sur ses compétences, les phases de dévalorisation

Ce qui se passe :

Même après des années de pratique, les coachs peuvent vivre des phases de doute, se sentir « imposteurs », ou ne plus percevoir leur valeur.

Exemple :

Un coach, pourtant expérimenté, se remet en question après deux retours clients mitigés. Il envisage même de tout arrêter.

Apports de la supervision :

  • Revisiter les fondations : compétences, cadre, posture
  • Accueillir les doutes comme partie intégrante de la pratique réflexive
  • Reconnecter le coach à ses réussites et à ses ressources
  • Travailler sur l’estime de soi professionnelle

4. La difficulté à trouver son identité professionnelle

Ce qui se passe :

Beaucoup de coachs cumulent plusieurs casquettes (consultant, thérapeute, formateur, manager…). Trouver sa place et affirmer une posture cohérente peut prendre du temps.

Exemple :

Une superviseuse reçoit un coach formateur qui « ne sait plus s’il accompagne, enseigne ou conseille » pendant les séances.

Apports de la supervision :

  • Clarification des rôles et des frontières
  • Réflexion sur la posture choisie
  • Alignement entre l’intention, la pratique et la communication
  • Acceptation d’une identité hybride ou évolutive

5. Le démarrage d’activité : isolement, découragement, anxiété

Ce qui se passe :

Créer son activité de coaching peut générer solitude, incertitude financière et remise en question.

Exemple :

Un jeune coach en reconversion n’a signé aucun contrat en 6 mois. Il doute de son choix de métier, se compare aux autres sur LinkedIn.

Apports de la supervision :

  • Créer un espace de soutien et de non-jugement
  • Travailler sur la régulation émotionnelle du vide ou de l’attente
  • Identifier les croyances limitantes liées à la réussite
  • Partager des stratégies de développement sans tomber dans le « faire à tout prix »

6. La lassitude, la fatigue du cœur après des années de pratique

Ce qui se passe :

Les coachs expérimentés peuvent ressentir une forme de « lassitude de la relation », de fatigue empathique ou de désenchantement.

Exemple :

Après 12 ans de pratique, une coach dit : « Je fais les séances comme un robot. Je ne ressens plus rien. »

Apports de la supervision :

  • Travail sur le sens : pourquoi je fais ce métier ?
  • Reconnexion aux élans profonds
  • Exploration de nouvelles modalités ou clientèles
  • Prévention du burn-out relationnel

7. Les relations professionnelles difficiles avec d’autres coachs

Ce qui se passe :

Les collaborations entre pairs peuvent parfois générer de la compétition, des tensions, ou des désaccords éthiques.

Exemple :

Deux coachs associés vivent des tensions autour des partages de clients et des approches divergentes.

Apports de la supervision :

  • Explorer les dynamiques de pouvoir ou de rivalité
  • Prendre conscience de ses propres projections
  • Travailler la communication assertive et la régulation des conflits
  • Clarifier les valeurs communes

8. Les conflits éthiques : quand la conscience professionnelle est en tension

Ce qui se passe :

Un prescripteur veut orienter un coaching dans une direction contraire à l’éthique du coach. Celui-ci est tiraillé entre contrat commercial et déontologie.

Exemple :

Une DRH demande à un coach de « recadrer » un salarié par le coaching. Malaise.

Apports de la supervision :

  • Soutien au discernement éthique
  • Aide à la formulation d’un refus professionnellement ajusté
  • Réappropriation du cadre contractuel et déontologique
  • Renforcement de la posture

9. Le sentiment d’illégitimité, même après des années

Ce qui se passe :

Certains coachs ont du mal à s’approprier leur légitimité, surtout dans des environnements élitistes ou face à des clients haut placés.

Exemple :

Un coach PCC se sent toujours « moins bon » que ses pairs. Il minimise ses succès.

Apports de la supervision :

  • Mise en lumière des mécanismes d’auto-dévalorisation
  • Travail identitaire et narratif
  • Prise de conscience de la légitimité par l’expérience
  • Intégration progressive des reconnaissances externes

10. Les non-sélections en séance de matching

Ce qui se passe :

Un client rencontre plusieurs coachs et ne choisit pas celui qui pensait « avoir bien fait ».

Exemple :

Un coach sort frustré d’un 3e entretien de sélection sans suite. Il doute de son « charisme ».

Apports de la supervision :

  • Dépersonnalisation de l’événement (le choix du client n’est pas un jugement de valeur)
  • Travail sur l’égo professionnel
  • Acceptation de la diversité des attentes clients
  • Réflexion sur sa manière de se présenter et de créer l’alliance

🔍 Tableau récapitulatif

Maintenir son bien-être professionnel grâce à la supervision


📚 Sources et références

  • ICF (2021). Core Competency Model, compétence 2 sur la posture réflexive.
  • EMCC Global. Supervision Guidelines for Supervisees
  • PSF (Professional Supervisors Federation). Éthique et pratiques de supervision
  • CSA. The Reflective Practitioner, Coaching Supervision Academy
  • Bachkirova, T. (2015). Self-development through coaching and supervision.
  • Hullinger, A. M., DiGirolamo, J. A., & Tkach, M. (2020). The Science of Coaching Supervision. International Coaching Psychology Review.
  • Lupien, S. (2015). Le stress : portrait d’un tueur. Documentaire & publications scientifiques.
les dilemmes éthiques en supervision

Sandrine Saliba est Coach Exécutif Sénior certifiée Master Coach Certified (MCC) par la Fédération Internationale de Coaching (ICF) et Senior Practitioner par l’EMCC. Elle est également formatrice au métier de Coach (RNCP et niv 2), Mentor et Superviseur de coach accrédité ESIA.

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