Pour mieux percevoir la nature des sujets que l’on peut explorer en supervision de coach, la démarche de questionnement utilisée, et surtout ce que le coach emporte avec lui en fin de séance, je vous partage aujourd’hui un exemple réel vécu dans une de mes séances de supervision.

Le contexte

Lors d’une séance de supervision, un consœur coach m’amène ce cas :

« Je travaille sur l’équilibre vie professionnelle – vie personnelle avec ma cliente depuis 5/6 séances. Elle est bloquée et n’avance pas car elle continue à travailler énormément. Elle ne parvient pas à trouver l’équilibre recherché et quand elle me dit que sa famille n’est pas prioritaire, cela me heurte profondément. Elle est à deux doigts du burn-out et a déjà eu plusieurs arrêts médicaux qui montrent des signes précurseurs évidents. Je me sens bloqué et je ne sais plus comment la faire avancer »

Ce que nous avons travaillé pendant la séance

1. Explorer les résonances personnelles

Une première étape a consisté à comprendre ce qui résonnait intérieurement chez la coach supervisée lorsqu’elle entend sa cliente dire « je sais que ma famille est très importante mais je n’arrive pas à lever le pied et me dire que c’est prioritaire ». La coach a mis en lumière une croyance personnelle profonde : « Le travail, c’est bien, mais la famille, c’est essentiel », une conviction qui résonnait si fortement qu’elle en a perdu, sur le moment, sa capacité d’écoute et d’accueil des propres valeurs de sa cliente.

Nous avons exploré ce que cette résonance venait toucher : la peur que l’autre s’épuise, le besoin de préserver sa cliente, ou peut-être le souvenir d’un burn-out qu’elle-avait traversé . C’est souvent dans ces zones de résonance que se loge le cœur du travail du coach supervisé : comprendre ce que l’on cherche à éviter au client… et que l’on tente parfois d’éviter encore pour soi.

Pour enrichir ses réflexions, j’ajoute deux questions à notre échange :

– « Quand tu la vois dans cette situation et que tu repenses à ton cas, qu’est-ce que tu aurais aimé qu’un coach fasse pour toi à ce moment-là ? »

– « Quel rôle es-tu inconsciemment en train de prendre pour elle ? »

2. Le principe de non-normativité : la leçon de Palo Alto

Une seconde étape de notre échange, nous a amené à évoquer un principe fondamental du courant du système de Palo Alto : la non-normativité . Autrement dit, ne pas tenter de définir par une norme ce qui serait « un bon équilibre », « une bonne priorité », « une vie réussie ». En d’autres termes, c’est accepter l’hypothèse que la famille puisse être moins importante que le travail, ou que l’équilibre entre les deux ne soit pas une fin en soi. Et s’il fallait travailler plus que passer du temps avec ses proches pour être heureux ?

Ce déplacement de perspective, bien que chamboulant s’il heurte nos propres certitudes et valeurs, permet de passer du désir de « faire avancer » le client selon nos repères, à la capacité de l’accompagner dans son propre système de références .

3. Traverser plutôt qu’éviter : le courage de laisser le client vivre son chemin

Une question a alors émergé dans un troisième temps de notre discussion, aussi dérangeante que féconde : « qu’est-ce qui serait le plus utile pour ta cliente : la laisser aller jusqu’au burn-out, ou l’en empêcher à tout prix ?

Ce questionnement a ouvert un espace nouveau. Et si, en voulant la protéger d’un déséquilibre ou d’un burn-out, la coach la privée de l’expérience de vie que cela pourrait lui apporter ?

Nous avons évoqué pour cette réflexion le modèle d’Hudson , qui montre que tout cycle de changement comprend des phases de désorientation, parfois nécessaires pour qu’un sens nouveau émerge. Ainsi, ce qui semblait être un « problème difficile » devient une étape de maturation et de transformation personnelle profonde. Le rôle du coach se transforme : non plus « faire avancer », mais « soutenir le mouvement intérieur » qui se prépare.

La coach supervisée prend le temps d’explorer au-delà de la douleur de l’expérience, tout ce que le burn-out a transformé en elle et toutes les forces qu’elle a pu supporter grâce à cet évènement difficile.

4. Faut-il toujours remplir la commande du client à tout prix ?

Notre dernière discussion s’est portée autour de la question « Faut-il toujours vouloir répondre à tout prix à l’objectif du client, c’est-à-dire rééquilibrer sa vie pro et perso coûte que coûte ? » Quels sont les bénéfices secondaires, plus essentiels à cette cliente que ce plus annoncé ? Et si au fond il valait mieux ne rien changer ?

La coach supervisée réalise en effet les avantages que retire sa cliente dans ce travail sans limite comme le besoin de reconnaissance, le besoin de se dépasser, le besoin de se réaliser, l’adrénaline…Elle se souvient des mots de sa cliente ; « c’est épuisant mais c’est tellement excitant »

Cette dernière partie de notre échange, fait particulièrement réfléchir ma collègue que je supervise. Sa spécialité c’est la prévention du Burn-out et l’équilibre vie pro-vie perso. Comment concevoir qu’une spécialiste de « l’équilibre », laisse repartir sa cliente en « plein déséquilibre » ? Cela at-il un sens de ne pas engager la cliente dans ce changement, sans toucher à sa propre identité de coach spécialisé dans ce domaine ?

Les questions puissantes qui ont soutenu son cheminement

  • Qu’est-ce que cette situation réveille chez toi, en tant que personne ?

  • Quelle part de vous voulez-tu protéger ou réparer en cherchant à faire avancer ta cliente ?

  • Quelle est ta définition, intime, de l’équilibre vie pro-vie perso ? Et comment différencier-t-elle de la sienne ?

  • Que se passerait-il si tu accueillais son choix comme cohérent dans son propre cadre de référence ?

  • En quoi cette expérience te permet-elle de grandir dans ta posture de coach, au-delà de l’inconfort qu’elle provoque ?

La supervision comme espace de liberté intérieure

Superviser, c’est aider un coach à se décoller de ses résonances , à regarder la relation autrement, à remettre du discernement là où le personnel expérimenté se glisse subtilement dans la pratique. En clair, c’est permettre une « Super Vision », vue de haut et sous un angle différent.

C’est un lieu où l’on apprend à accepter de ne pas savoir pour l’autre , même lorsque tout nous semble contraire à nos valeurs et à nos convictions. Et c’est là, dans cette humilité, que la posture du coach se renforce et s’épure à la fois pour devenir véritablement aidante. Mais pas toujours aidante au sens que nous l’avions initialement imaginé !

La coach a quitté la séance avec un regard plus libre, plus doux envers sa cliente, et envers elle-même.

PS : merci à ma chère collègue avec qui j’ai toujours beaucoup de plaisir à travailler et qui m’a amené ce cas. Elle se reconnaîtra peut-être.

 

Dans le bureau du superviseur de coach : Quand les croyances et les valeurs du coach entrent en résonance avec celles du client

Sandrine Saliba est Coach Exécutif Sénior certifiée Master Coach Certified    (MCC)    par la Fédération Internationale de Coaching (ICF) et Senior Practitioner par l’EMCC. Elle est également formatrice au métier de Coach (RNCP et niv 2), Mentor et Superviseur de coach accrédité ESIA.

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